RICHÁRD TESTVÉR KONGÓI BETEGEKÉRT ALAPÍTVÁNY

Appuyé par Médecins Sans Vacances et Lumière Pour le Monde Belgique)

Nous avons enfin pu aller à LUSAMBO. Voilà des années, que des malades et certaines personnes n’arrêtent pas de nous appeler et de nous demander d’aller en mission dans cette partie du Sankuru, totalement abandonnée depuis la fin de la guerre. Surtout, un certain Mr Jules m’appela toutes les semaines, « mais docteur, vous venez quand ? Ici les malades sont trop nombreux et vous attendent ! »
Alors, comme dans la parabole de « l’ami importun » dans l’Evangile « Luc 11/8 », j’ai fini par promettre de tout faire pour effectuer une mission à Lusambo. Comme la route était connue particulièrement mauvaise, j’ai choisi la saison sèche. Plusieurs mois auparavant nous avons commencé à organiser cette mission avec MSV, j’ai passé une commande de médicaments et de consommables (cette commande arriva avec 3 semaines de retard…) Ca ne fait rien, j’ai pu tout avancer sur nos stocks du COR. La plus grande difficulté était le déplacement. Ne disposant pas de véhicule, nous avons sollicité pour l’aller, le véhicule du BDOM de Kabinda, et au retour un véhicule d’un homme politique originaire de cette région. Le voyage à l’aller était sans problème, mais fort difficile.

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Bien que nous étions en saison sèche, d’énormes bancs de sable freinaient notre avancée.

En calculant la consommation du véhicule, nous sommes arrivés à env. 40L/100km ! Pour un petit Hilux, il faut le faire ! Mais grâce à notre chauffeur bien expérimenté, tout s’est très bien passé. Les derniers 60 km sont dans une forêt dense et belle, la route est souvent solidifiée par des bambous formant des lignes Gothiques au dessus des voyageurs… très beau !
Après 12 heures de voyage, on arriva enfin à la dernière descente avant Lusambo. Nous croisâmes des camions, qui montaient la pente bien péniblement, mais fort heureusement, sans panne. En voici un. Remarquez l’homme à droite de l’engin. Il a un rôle très important : au cas, ou le moteur s’arrêterait, il doit placer le bloc de bois qu’il transporte sur ses épaules derrière la roue arrière du camion, sans cela l’engin peut redescendre la pente à toute vitesse et se renverser en fin de course… On dit, que ce métier de « frein à main » est très dangereux…
Mais d’ou viennent les camions ? Ils viennent du fleuve Sankuru, et Lusambo est ainsi relié à Kishasa, des bateaux pouvant arriver ! « Malheureusement le fleuve n’est pas dragué, sinon ou pourra même monter beaucoup plus loin et approcher Mbuji Mayi de 30 km ! » me confie Papa Plus, l’un des camionneurs. Que de potentialités inexploitées dans ce pays ! me dis je une fois de plus. Et enfin, après cette descente, nous voici arrivés à la tombée de la nuit à Lusambo. Mais voilà la surprise : la grande partie de la ville se trouve de l’autre coté du fleuve ! Une super pirogue nous attend avec 3 belle chaises en plastique…Il va falloir la prendre pour traverser…

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Nous sommes très contents de trouver enfin les amis, qui ont tant voulu notre présence ici. On décharge vite la voiture, et on charge la pirogue avec les instruments et médicaments, sans parler de nos affaires personnels. J’ai confiance, car les gens d’ici connaissent bien l’eau et maîtrisent la pirogue, ainsi je refuse d’imaginer que le microscope p.ex. puisse tomber dans l’eau…
Notre super pirogue est motorisée, et navigue très bien. En cette saison l’eau est tellement basse, qu’il faut chercher les endroits pour passer sans accrocher le fond. Mr Jules, qui nous reçoit pendent toute la mission, habite tout près du fleuve, et bientôt nous sommes chez lui, et dégustons un bon poisson .

L’organisation des activités, la visite des autorités, de différentes discussions nous ont pris deux jours… Au J3 enfin, nous pouvons commencer les consultations. « Salle » d’attente pleine, vieux et jeunes venant de tous les côtés, image très familier en mission. Je suis toujours très touché par la patience des malades. Ils attendent avec grande discipline, pour être consulté en quelques minutes par un docteur souvent très fatigué. Dans les missions à l’intérieure du pays il est très important d’emmener le plus possible de médicaments et de lunettes. En fait, la solution doit être trouvée si possible, sur place.

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On a beau dire à un malade : je vous prescris des lunettes, s’il n’a pas la possibilité de les faire faire sur place. Or, l’ opticien le plus proche se trouve à 1200 km, à Kinshasa ! Inutile de prescrire un produit spécial, p.ex. un antiglaumateux, car on ne peut trouver que 2 produits dans les pharmacies de la ville. C’est ainsi que disponibiliser les lunettes sur place est très important, ainsi que des médicaments.
Des les premiers jours nous sommes ahuris par l’état de santé des malades. De multiples malades, qui viennent des villages avoisinantes présentent des signes d’onchocercose. Il s’agit là d’une parasitose qui est en cause de la maladie qu’on appelle aussi « cécité des rivières ». Nous trouvons cette maladie au bord des rivières répondant à certaines critères, qui favorisent la présence d’une mouche, dont la piqûre transmet le parasite. Au fil des années, les parasites, et la réponse immunitaire du corps causent des dégâts terribles, irréparables dans l’œil, causant une cécité définitive.

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De tous les villages, arrivent les aveugles. Avec grand calme, ils écoutent et acceptent le verdict : c’est la filariose qui vous a rendu aveugle, et on ne peut pas faire grand chose. Heureusement, j’ai prévu pas mal de pommade et de collyres, et je peux donner à tout le monde un produit, rien que pour soulager ses maux. Très peux de cas d’onchocercose sont opérables.
J’ai été effrayé par la fréquence du glaucome. (tension oculaire élevé). A tel point, que selon mes statistiques, la première cause de cécité, dans les malades consultés était le glaucome ! (très souvent compliqué avec l’Onchocercose) Or, normalement c’est la cataracte qui devrait tenir ce poste.

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En 4 semaines de travail nous avons vu 970 malades, et opérés 80. Le bloc opératoire de l’Hôpital Générale de Référence est une véritable fournaise, mais nous avons quand même pu bien travailler ! Le plus grand problème c’est le courant. Notre petit groupe électrogène qu’on a emmené avec nous a refusé de fonctionner. Plusieurs réparateurs sont venus pour le réparer, sans succès. Je décide de le laisser, sans regret, car c’est un groupe à 100$ à usage unique…
De nombreux cas de cataracte bilatérale ont pu être opéré, et ces malades ont pu retrouver la vue. Quelle joie !

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Ce sont des cas de miracle, que les malades apprécient vraiment. L’opération de la cataracte prend env. 25 minutes, avec l’anesthésie y compris. La majorité de nos malades atteints de cataracte bilatérale, et donc totalement aveugle, sont dans cet état depuis des années et il n’est pas rare d’entendre la réponse : « depuis 5 ans » ! Quelle honte, qu’au XXIéme siècle on découvre une telle misère…Alors, la bonne nouvelle se répand, et les malades affluent de tous les cotés. Certains insistent : docteur, il faut m’opérer…Quelquefois j’ai du mal à décourager des cas difficiles, ou inopérables.
Les dimanches, nous sommes au repos. On profite d’aller faire de petites excursions. On nous fait visiter les ruines du projet de réhabilitation des aveugles. Un magnifique projet, qui avait bien aidé les gens atteints d’onchocercose, pour les réinsérer dans la société. La guerre a tout emporté, tout a été pillé, il ne reste que les murs.
Alors, je décide de leur proposer une sortie avec l’équipe qui reste de ce projet, et les aveugles connus de la région. Petit à petit notre rassemblement prend forme, nous y rendons en pirogue, après qu’un groupe jeunes ait travaillé le site pour débrousser les ruines, nettoyer et brûler. Plusieurs serpents y passèrent. Les anciennes histoires refassent surface. Ici, les Zimbabwéens se sont fait massacrer par l’armée des rebelles, avant de pouvoir évacuer les lieux. Après pouvait commencer le pillage…Véhicules, motos, meubles et équipement, système solaire, tout y passait. Aujourd’hui restent les murs marqués par l’impacte des balles. Je commande deux moutons pour le rassemblement. Le soir avant, en inspectent les bêtes, je découvre avec stupeur que l’une des deux est grosse de plusieurs petits, probablement. Je signale cela comme problème, « ici ça ne fait rien, » me dit on, « on va la manger comme ça ». Si c’est comme ça, je ne viens pas à la fête, leur dis-je. On n’a pas le droit d’agir ainsi contre une bénédiction ! Grand étonnement, et gêne, car à 20 heures du soir il faut aller trouver une autre solution, échanger la bête contre une autre…Finalement ça s’arrange, et les choses se mettent en place. Nous nous y rendons en pirogue, car la concession se trouve au bord du fleuve.

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Quelques quarante aveugles sont là et attendent avec patience pour partager un modeste repas. Nous essayons de lancer quelques discours, mais riens de très précis, malheureusement, car je manque d’éléments…
Cette soirée a finit trop vite, les aveugles se sont dispersés, conduits par leurs « petits » et nous rentrons, alors qu’il fait bien noir déjà.
La mission se termine, et moi je sens de plus en plus, qu’il faut faire quelque chose pour cette région. Cela se confirme, lorsque au retour on passe nuit dans un village à 60 km de Lusambo. Le petit véhicule qui nous prend pour le retour n’a pu faire que cette distance en un jour…Un grand foyer d’Onchocercose, les habitants du village arrivent par dizaines pour que je les consulte, alors que nous n’avions plus rien, plus de médicaments, plus de lunettes, et plus tellement de forces non plus. Je comprends combien la population est abandonnée à elle. Ici, depuis env. 10 ans, ils n’ont pas vu de spécialiste ophtalmologue. Les gens supplient pour une solution. J’ai aussi compris, que dire à un malade du village de venir à Mbuji Mayi (200 km) pour les soins est presque inutile, car trop loin et avec trop d’inconnus.
Alors, reste la solution d’aller vers les malades, et d’essayer d’ouvrir une structure pour les soins des yeux dans la région.
En attendant je prie le Seigneur de nous donner le moyen de déplacement… un bon véhicule, qui peut supporter ces routes terribles. Et aussi la santé pour continuer cette mission à laquelle Il m’a appelé.
En attendant je prie le Seigneur de nous donner le moyen de déplacement… un bon véhicule, qui peut supporter ces routes terribles. Et aussi la santé pour continuer cette mission à laquelle Il m’a appelé.
Fioretti :- Un malade revient au contrôle et me dit : « Docteur, ça va mieux, mais la rayon solaire n’est pas obéissant encore »…
-Docteur, pour discriminer sa physionomie, ça ne va plus…
-Le médicament, que vous avez donné, ça avait vraiment saccagé le corps…très magnifique !
-Mon traducteur dit : Lui, il dit, qu’il se frotte, sa vision reste sur place pour ne pas partir loin…
-Quand je lie, encore, ça me souille dans les yeux.
-Vous voyez bien de loin ? –Non, là, je vois plus claire que jamais…
-Vous avez un problème de filariose, dis-je. « Maintenant, pour combattre le fondateur, qu’est ce qu’il faut faire ? »
-Il y à un moyen de chasser le filaire avec les rayons X, et alors on pourra voir de loin ?
-Chaque fois pour lire, pour bien voir, il faut vraiment dépenser de l’énergie nerveuse !
-« J’ai buvé et goutté encore, ça n’a pas changé ! »